« Tiens le mieux. Non pas comme ça. Bon dieu Fabio tu veux qu’on détruise la table ? » Cachée derrière l’armoire en bois massif, je cherchais une façon de pouvoir sortir du salon sans que ma mère puisse me repérer. Être au mauvais endroit au mauvais moment, c’était l’histoire de ma vie. Mordillant mon pouce à la recherche d’une sortie plus ou moins discrète j’entendais son cousin pester dans son coin. Je savais parfaitement ce qu’il se passait, cependant, j’essayais de ne pas m’en mêler. Selon mon père j’étais encore bien trop jeune. Risquant de passer ma tête sur le côté de l’armoire, j’observais la scène en silence, tentant tant bien que mal de ne pas faire le moindre bruit. Si quelqu’un me trouvait ici, j’étais bonne pour une engueulade digne de mes parents et ce n’était pas drôle, vraiment pas. Je voyais ma mère se dandiner, bien que la scène restait très confuse, je n’étais pas complètement idiote. Sentant la moquette se plisser derrière moi, je priais intérieurement que ce soit un chat, juste un chat, sinon, j’allais sans doute aller nourrir les poissons. Je n’osais pas me retourner, la peur de tomber sur un inconnu ou sur mon père venait de me faire oublier mon prénom. Une main apparue devant mon visage avant de se laisser aller sur mes lèvres. Demetrio. Alleluia. Le jeune garçon me lâcha un sourire digne d’une publicité colgate avant de m’entrainer vers la porte qui donnait sur la terrasse. « Tu te la joue espionne maintenant ? » - « J’me défend. » Murmurais-je avec un haussement d’épaule. « On a pas le droit d’être là. Tu le sais en plus. » Lâchant un soupir en passant ma main sur mon visage, je lui lançais un regard digne d’une tueuse russe. Parfois, j’avais envie de lui faire du mal. Beaucoup de mal. Demetrio, c’était le fils de l’associé de mon père, d’un an mon ainé, je le connaissais depuis toujours. « C’est qui ? » Demanda-t-il avec un mouvement de tête en direction du salon. « Le fils Petrucci, ils l’ont retrouvé ce matin. » Chuchotais-je avec un regard qui se voulait confiant. « Tu crois qu’ils vont réussir à l’aider ? Il faudrait l’emmener à l’hôpital. » Dit alors le jeune garçon en risquant un coup d’œil dans la pièce. « On ne peut pas, tu sais très bien qu’il est censé être en prison. » - « Ils savent qui lui a tiré dessus ? » - « Je ne sais pas, tout le monde lui en veux à ce bonhomme, depuis qu’il a tué la fille de Morandi… » - « Ils devraient le laisser crever. » Du haut de nos sept et huit ans, nous étions bien trop au courant des affaires de la famille. Les autres enfants de notre âge se contentaient de se battre pour des billes, c’était peut être ça la véritable enfance. On ne pouvait pas dire que nous n’étions pas aimés, choyés, parce que ce n’était pas le cas. Nous étions tout à fait conscient que nos parents tentaient de nous protéger, ils le faisaient même plutôt bien. Simplement, ce n’était pas la première que nous devions faire face à ce genre de situation et concrètement, je m’en serais bien passée.

« Dem, putain, tu veux pas m’aider un peu ? » Le jeune homme lâcha sa cigarette, son regard en disait long. « J’suis fatigué. » Lui tendant la pelle, je pointais du doigt le trou à peine commencé. « Creuse, homme. Tu as assommé, tu creuses, c’était le deal. » - « Pour m’être un tout petit peu emporté, je rêve. » Grogna-t-il en se levant comme si il portait toute la misère du monde sur les épaules. Secouant la tête avec un sourire narquois collé aux lèvres, j’allumais une cigarette en observant sous toutes les coutures Demetrio. « T’es presque sexy comme ça. » - « C’est toi qui va te retrouver la dedans si tu continue de te moquer de moi. » Maugréa-t-il en ne prenant même pas la peine de relever la tête. Un peu d’humour que diable. Ce n’était pas le seul à n’avoir dormi que deux heures la nuit précédente alors les sautes d’humeurs, j’avais décidé de ne pas les cautionner, pas de suite en tout les cas. Assise sur le capot de la voiture, je pouvais voir le soleil se lever, quelle belle journée, commencer dans les bois à essayer de dissimuler une bêtise de mon très cher ami, cela faisait bien longtemps. Je n’avais qu’une seule envie, dormir. Ce n’était pas plus compliqué que ça. Il fallut une bonne heure au jeune homme pour finir sa besogne, se jetant sur moi il me serra dans ses bras en éclatant de rire. « Non mais non mais t’es sale, tu pues, lâche moi. » - « Compte là dessus. Viens. » Susurra-t-il en m’emmenant devant le lac qui longeait la forêt. « Cap ? Je sais que tu en meurs d’envie. » Enchaina-t-il en enlevant sa chemise. Quoi ? Ah non. Sans façon. Cap de rien du tout. Pas d’accord, pas dés le matin, pas la force. Mourir d’envie de me baigner ? Il avait vu ça jouer ou ? Seulement, son regard enivrant et son sourire de rital lover me fit faire tout à fait le contraire de ce que me dictait mon cerveau. Et peut être aussi, éventuellement, son corps de rêve. Voyant que je mettais plus de temps que prévu, Demetrio me souleva et courus dans l’eau. Éclatant de rire, je m’accrochais à son cou avant de l’embrasser tendrement. « J’suis sûre qu’elle est encore là. » - « Y’en a jamais eu Belle. » - « Si. Tu mens. » - « Faut bien préserver cette jeune fille si fragile. » Ah bon. Fragile ? Merci du cadeau. Il aurait pu dire, incroyablement sexy et tellement intelligente, mais non, fragile. Soit. En tout les cas, un homme venait d’être enterré et nous, nous étions en train de nous baigner. Comme si c’était parfaitement normal. Oui. C’était tout à fait normal. 

Reprenant mon souffle, je parvenais à me défaire de l’emprise de mon agresseur en quelques secondes. Il fallait dire que j’avais dû me sortir de ce genre de situation bien plus d’une fois, ce n’était pas une nouveauté. Le plaquant au sol, je prenais bien soin de maintenir son visage aussi près que possible de la plaque d’égout fumante. « Je t’ai sauvé la vie une fois, je peux te la reprendre tout aussi vite. » Je venais de maugréer ça avec une telle froideur qu’il ne tentait même plus de se débattre. Il avait bien raison le bougre, je n’étais pas d’humeur à batifoler mais alors là, pas du tout. Lui lançant un regard noir, étant totalement consciente du fait que je pouvais le tuer dans la minute, après tout, il n’allait pas manquer à grand monde. « Je ne dois rien à une putain. » L’homme esquissa un sourire quasi bestial en tentant de se retourner afin de reprendre l’ascendant qu’il avait eu sur moi. Malheureusement pour lui, je profitais de sa minable tentative pour le coller contre la vieille bâtisse jusqu’à laquelle il m’avait emmenée. « Je sais qui tu es Vittorio, je sais ou tu vis et je sais très bien qui est la petite sotte qui s’est entichée de toi, à ta place, je pèserais mes mots. » Crachais-je avec aplomb. Le dénommé Vittorio paraissait stupéfait, me dévisageant comme si je venais de lui présenter la tête de ses parents sur un plateau d’argent. Devinant aisément qu’il se posait des tas de questions, j’esquissais un sourire narquois. Il n’avait pas choisi la bonne proie et s’en rendait compte bien trop tard. « Qui es-tu ? » Un rictus carnassier apparut alors sur mon visage, il était vraiment stupide. « Cherche bien, tu n’as jamais été très futé mais tu sais parfaitement qui je suis. » Susurrais-je avant de lâcher progressivement l’emprise que j’avais sur lui. Vittorio allait être bien trop occuper à se replonger dans ses souvenirs pour tenter une quelconque attaque. Je me sentais observée sous toutes les coutures et cela avait réellement le don de m’agacer. Relevant la manche de ma veste, je l’intimais du regard à examiner le tatouage qui trônait sur mon avant bras. « Bellina Cerreti… » Il venait de murmurer cela en s’éloignant progressivement de moi, acte qui me fit sourire. « Ici c’est Arizona. » - « Je.. Ils.. Tu es censée être morte ! » Laissant échapper un rire cristallin qui le sorti soudainement de ses rêveries, ce fut sans aucun doute mon coup de poing qui le réveilla totalement. « On est surpris Mancinelli ? » Lâchais-je avec une pointe de défi dans le regard. S’appuyant lourdement contre le mur en massant sa mâchoire, aucune réponse ne sortit de sa bouche. Il était totalement déstabilisé de me voir ici et surtout dans ce club. « Ton père est au courant que tu fais la pute ? » Grogna-t-il le plus naturellement du monde. Le saisissant à la gorge, je crachais des jurons dans ma langue natale avant de lui asséner un autre coup de poing. Je sentais que j’allais exploser, cet homme était une pourriture et je n’allais pas me priver de lui infliger une bonne correction. Le saisissant à la gorge en le collant contre le mur, je perdais complètement les pédales et cela n’annonçait rien de bon. « Arizona ! » Cette voix. Calme, posée et totalement contrôlée ne fit que m’encourager un peu plus dans ce que j’entreprenais. « Je te tuerai Vittorio. » Murmurais-je avec un sourire angélique. Soudainement, une main passa sur mes épaules et on me souleva littéralement dans les airs. « Stai calmo Belle. » Murmura Demetrio tandis que je me débattais comme un diable. « Lâche moi, lâche moi tout de suite ou je… » - « Ou tu quoi ? » Jay s’était approché de moi lentement avant de replacer une mèche de mes cheveux avec une extrême douceur. « On s’en occupe. » Faisant signe à un des bouncers qui les avait accompagné, il lâcha un sourire qui voulait tout dire. « Ramène la au club et toi, tu restes là bas. » - « C’est à moi de… » - « Rentre. » Demetrio avait une telle froideur dans le regard que je ne pris pas la peine de répondre. Il m’embrassa sur le front avant de me laisser partir en affichant un sourire bien trop radieux.