Je suis née le 26 Juin 1899 dans cette belle ville de Chicago. J'ai vécu une enfance mouvementée, il faut dire que ma famille n'était pas du genre à faire les choses comme tout le monde. Les cris, les pleurs et les coups de feu n'étaient pas rares à la maison, et il ne m'a pas fallut très longtemps pour comprendre que mes parents n'était pas de simples médecins comme ils avaient tenté de me faire croire. Moi, j'ai essayé de me tenir éloignée de tout cela, je me suis voilée la face pendant de longues années ... Mais mon destin était déjà tracé et je n'allais pas pouvoir y échapper. Mes parents n'ont jamais rien fait pour tenter de m'offrir une vie plus sereine, plus normale. D'ailleurs, je crois que pour eux, la leur était tout à fait normale. Je n'ai jamais su dans quoi exactement mes parents trempaient, mais cela devait être assez important car à l'aube de mes 10 ans, ils furent assassinés.

A partir de ce moment-là, c'est mon grand frère Dean qui s'occupa de moi, enfin, simple façon de parler ... Je n'avais jamais été très proche de lui. Nous avions 6 ans d'écart et mon père l'avait souvent traîné avec lui dans ses affaires douteuses. Il s'imaginait surement que c'était une manière de l'éduquer ... C'est pour cela que je ne peux me résoudre vraiment à en vouloir à Dean. Lui non plus n'avait pu échapper à son destin, et tout ceci n'était pas de sa faute. Au début, il m'emmenait à l'école et revenait me chercher. Il m'aidait à faire mes devoirs et me préparait le repas. Mais ceci n'a guère duré longtemps. Dean devint très pris par ses activités toutes aussi illégales les unes que les autres. Je l'ai vu changer ... Le petit garçon n'en était plus un, il avait 18 ans et rentrait très tard le soir, des tâches de sang sur ses vêtements. Je n'étais plus sa préoccupation première, il se désintéressait de moi un peu plus chaque jour, aussi bien qu'il ne s'apercevait même pas que je faisais l'école buissonnière. Avec le temps, j'ai essayé de comprendre, sans oser la confrontation. Dean n'était pas du genre loquace ... J'en suis venue à la conclusion qu'il avait fait tout cela pour me protéger, pour me tenir éloigner du danger ... Mais si c'était ce qu'il avait tenté de faire, cela avait malheureusement eu l'effet inverse.

Vers 15 ou 16 ans, je rencontrai Katherine. Elle venait de perdre ses parents et avait été placée dans une famille d'accueil. La tristesse dans son regard était une véritable torture pour moi. Naturellement, nous nous sommes confiées et avons passé des heures à errer dans les rues de Chicago au lieu d'aller en cours. Nous nous comprenions, mieux que quiconque ... Nous étions prisonnières de notre destin, et nous subissions notre vie. Toutefois nos caractères étaient bien différents. Kat est du genre pessimiste, sarcastique et acerbe. Elle est arrogante et en veut à la Terre entière. Moi j'ai cette légèreté et ce sourire qui semble toujours l'apaiser. Nous nous complétons, mais nous nous détruisons également. Katherine fuguait régulièrement et nous nous retrouvions dans les petits coins sombres de Chicago. A nous deux, nous refaisions le monde, nous planifions notre futur ... Et puis un jour, elle s'amusa à fourrer discrètement sa main dans les sacs à mains des bourgeoises. Elle avait alors à peine 18 ans, et elle venait de trouver sa vocation ... Amusée et excitée par ce que je prenais pour un jeu, je volais avec elle et nous partagions la recette à la fin de la journée. Entre temps, Katherine décida de fuir définitivement de sa famille d'accueil et vint s'installer chez mon frère et moi. Dean, toujours aussi peu impliqué dans ma vie, considéra son emménagement comme une très bonne idée. Avait-il tort ? Toujours est-il qu'avec Katherine, nos petites intrusions chez les gens fortunés de la ville se faisaient de plus en plus régulière et l’appât du gain nous empêcha d'écouter notre raison. L'argent que nous gagnions nous permettait de nos acheter drogue et alcool, des poisons dont nous devinrent très vite dépendantes.

A l'aube de mes 21 ans, un de nos cambriolages tourna très mal. Depuis quelques mois, nous avions décidé d'être armées afin de pouvoir nous protéger ou simplement dissuader en cas de coup dur ... Alors lorsque je me retrouvai nez à nez avec le propriétaire de la villa que nous étions en train de piller, je me mis à paniquer et, sous l'influence de la drogue, je saisis mon arme et lui tirai une balle en pleine poitrine. Il décéda sur le coup. Le regard de Kat croisa le mien, et je l'entendis courir à l’extérieur de la propriété, me laissant là, en état de choc devant le cadavre. Je rentrai chez moi et n'y trouvai pas mon amie. Dean me regarda et comprit aussitôt que j'étais en très mauvaise posture. Il ne fallut pas longtemps aux forces de l'ordre pour me retrouver, alors Dean m'ordonna de me laisser faire et de rester calme, en me promettant que tout allait s'arranger ... Et ce fut le cas.

Je fus incarcérée pendant 6 mois avant que Dean parvint à me faire sortir de prison. Comment ? Et bien, vous savez, avec un bon paquet d'argent et quelques relations corrompues, tout est possible à Chicago. Katherine avait disparu, et lorsque je fus enfin libre, Dean m'informa que l'homme que j'avais tué était un gangster plutôt réputé à Chicago. Me promener seule dans les rues de la ville était alors devenu très dangereux car s'il y a un mot clef dans le gangstérisme, c'est bien la vengeance. En tuant cet homme, j'ai mis mon frère et moi dans une situation très inconfortable, et il n'y avait rien à faire pour arranger les choses. Un jours, alors que j'avais trouvé un petit boulot de chanteuse dans un club, je fis la rencontre d'un homme prénommé Jay Gatsby. Il vint à moi et me dit savoir beaucoup de choses à mon sujet. Il évoqua ma situation très dangereuse, puis me flatta sur mon apparence et sur ma voix. Il me fit ensuite une proposition : Gatsby m'offrait sa protection éternelle si je venais travailler dans son club et vivre dans la villa des bunnies. J'avais déjà entendu parler de ces femmes-là, mais je ne m'y étais jamais intéressée de plus près ... A vrai dire, je me trouvais dans une impasse. Je savais que des hommes étaient à ma recherche et comptaient bien me faire la peau, et je ne pouvais me permettre de rester avec Dean et le mettre en danger par la même occasion. J'acceptai alors l'offre de Gatsby ...

J'avais 23 ans et je goûtai enfin à cette émotion qui ressemblait au bonheur. Oui, j'étais devenue une prostituée, mais il n'avait rien d'indécent là-dedans. Dans l'univers où j'évoluais depuis que Gatsby m'avait engagé, il n'y avait aucun tabou et les femmes étaient considérées comme des pierres précieuses qu'il fallait traiter avec toute l'attention du monde. Je n'avais jamais été aussi chérie, même pas par mon propre frère. Je découvrais ce qu'était le luxe, mais aussi la sérénité de vivre dans un milieu où l'on se sent en sécurité. Pour rien au monde je n'aurais voulu quitter le club. Un an plus tard, j'étais promue au rang de bunny favorite.

C'est cette même année que Katherine refit irruption dans ma vie. Elle m'avait terriblement manqué, mais j'avais pris sa disparition comme un véritable abandon, un acte de lâcheté que je n'étais pas sûre de pouvoir pardonner. Mais il faut croire que Katherine sait y faire et trouve toujours les mots pour mettre les gens dans sa poche. Elle fut très surprise de me voir si changée, si heureuse ... Quant à elle, Kat n'avait pas changé, elle avait ce même esprit revêche, ce même regard méprisant à l'égard des autres. Elle était malheureuse, je pouvais le voir sur son visage. Sa vie n'avait pas changé, son destin était brisé, plus que jamais. Victime de ma compassion, je me suis laissée entraîner à nouveau dans ce cercle vicieux de drogue. Vivre avec les autres bunnies m'avait aidé à enterrer mes démons au plus profond de moi, et voilà qu'en à peine quelques jours, Katherine était parvenue à me transformer à nouveau en cette chose que je détestais.

Une nuit, je fis une overdose en pleine rue. Et tel une impression de déjà-vu, mon regard croisa celui de Katherine avant qu'elle ne disparaisse lorsque les sirènes de police se mirent à retentir. Elle avait des bijoux volés sur elle, du moins c'est ce que j'en conclus pour me rassurer. J'allais encore me faire embarquer par les forces de l'ordre, je n'étais même pas sûre qu'ils daignent m'emmener à l'hôpital... C'est alors qu'une jeune femme brune apparut. Elle me regarda d'un air rempli de compassion, puis elle s'adressa aux hommes en uniforme. A moitié consciente, je l'entendis prétendre être ma soeur et m'avoir sous sa tutelle. Aucune voix masculine ne sembla s'y opposer, du moins, pas avant que je perde connaissance. A mon réveil, j'étais allongée sur un canapé couleur crème. Autour de moi, la décoration était soignée et féminine. C'est ainsi que je fis la connaissance d' Erin, une chef infirmière de 27 ans au visage d'ange et au tempérament de feu. Elle m'a carrément passé un savon, tentant de me faire prendre conscience de la gravité de mes actes. J'avais faillis y passer, et cette femme avait été là pour moi, sans que je sache véritablement pourquoi. Pendant 1 semaine je suis restée chez elle et ces 7 jours furent les plus doux de toute ma vie. Elle était extraordinaire, elle représentait mon idéal, celle que j'aurais rêvé d'être. Malheureusement l'heure était venue pour moi de rentrer au club. Il n'était pas question que j'y perde ma place et que, par la même occasion, je mette Erin en danger. Parfois j'oubliais que j'avais tué un homme et que d'autres avaient mis ma tête à prix ... Comment oserais-je faire courir un tel risque à Erin ? Elle méritait tellement mieux. Avant de la quitter, je l'embrassai tendrement sur le seuil de sa porte. Ce baiser me hante depuis, jour et nuit...

Aujourd'hui je travaille toujours chez Gatsby. Je n'ai pas revu Katherine depuis mon overdose, et je meurs d'envie d'aller frapper chez Erin ... Mais mon esprit est rempli de contradictions. Je déteste Katherine pour ce qu'elle fait de moi, pour cette facilité avec laquelle elle influe sur ma vie et la détruit. Pourtant je sais qu'elle m'aime, plus que tout ... Et moi aussi. Et à côté de cela, il y a Erin. Une rencontre inattendue, et des sentiments improbables. La vie est si douce à ses côtés, mais son monde est si différent du mien. Quand bien même elle m'ouvrirait ses bras, serais-je prête à abandonner le club, la protection de Gatsby et ainsi la mettre en danger, nous mettre en danger ... On ne peut effacer le passé, là est toute la complexité des choses.

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